Fiction1: l'estivale
Le farniente, la plage et les petits châteaux de sable sont tout frais dans les mémoires, on retrouve encore quelques grains de sable dans le fond des valises et dans les plis des serviettes, et telles la madeleine de Proust ces particules crissantes nous renvoient à cette plage où, attendri, on contemplait la scène de ces enfants s'empiffrant de sucreries dans un petit bateau rempli d'eau que leurs parents avaient improvisé en piscine pour que les bambins barbottent à leur aise pendant que les adultes s'occupaient de bronzer.
Fiction 2: la gourmande
Les responsables du marketing d'un hypermarché quelconque ont décidé de transformer leur rayon confiserie en repaire de pirates rempli de barques gourmandes pour que les petits choisissent tranquillement leurs friandises favorites tout en s'imaginant de fastueux abordages et de dangereuses courses-poursuites depuis le plus haut mât du navire jusqu'à l'île aux trésors où d'autres gâteries les attendront encore après ces aventures ayant creusé leurs estomacs.
Fiction 3: la visuelleDans un quotidien, la photo d'une embarcation pneumatique dégonflée, telle qu'on en achète pour que nos enfants vivent leurs premières expériences de canotage et partent à l'assaut des vagues de cette mer qui procure tant de joies, et quelques bonbons acidulés éparpillés tout autour. On se rappelle encore le pénible travail de gonflement qui est récompensé par les réactions de nos enfants vivant les premiers instants d'affrontement des flots. On entend encore les rires heureux, excités, grisés, de nos vaillants petits mousses qui se sentent l'âme de Robinson... Mais sous la photo du journal se trouve ce texte, qui diffère quelque peu de cette évocation heureuse:
Rescatan una lancha de juguete con cinco niños inmigrantes en Tarifa
Algeciras (Cádiz), 15 sep (EFE).- La Guardia Civil ha interceptado hoy una embarcación de juguete con inmigrantes en la que viajaban cinco niños de entre 10 y 11 años y un adolescente de 16, cuando navegaban a 1,6 millas (2,9 kilómetros) al sur de la Isla de Tarifa (Cádiz).
El Servicio de Emergencias 112 ha informado a Efe de que todos los tripulantes, que son varones, se encuentran en buen estado de salud.
Los menores viajaban en una lancha neumática de juguete, que fue interceptada a las 01:20 horas por la Guardia Civil, que trasladó a los inmigrantes al puerto de Tarifa.La Guardia Civil ha indicado a EFE de que entre los inmigrantes había cinco niños de entre 10 y 11 años, y un adolescente de 16.
Une dixaine de lignes nous annonçant de façon laconique et très précise que ce petit canot-jouet abritait en fait des enfants d'une dixaine d'années + un adolescent de 16 ans qu'on a retrouvés SEULS dans cette embarcation de fortune qui a voyagé depuis les côtes marocaines jusqu'à celles de Cadix, dans le Détroit de Gibraltar... J'ignore le nombre d'enfants qui a déjà traversé le Détroit, il y en a des centaines et des centaines, même des bébés, mais ceux-ci toujours parmi les adultes. Les tragédies sont si fréquentes, comme celle qui dénombra 15 enfants morts d'épuisement à 20m d'une plage des Canaries où les surfeurs ont tenté de sauver ces petites vies comme ils le pouvaient. Les rescapés auront terminé leur aventure dans un de ces centres d'hébergement comme ceux de Grenade qui m'ont permis d'offrir certaines des activités des journées de mai à ces enfants.
Ce qui choque tellement dans cette dépêche si courte, c'est le fait que ces enfants aient été livrés à eux-mêmes. Imagine-t-on ce que suppose, pour un adulte déjà, la traversée? Je ne sais pas où va ce monde, à la dérive, sans doute, tout comme cette patera enfantine dont les caractéristiques m'ont glacé le sang. Il est vraiment grand temps,que les deux rives, ENSEMBLE, trouvent des solutions pour que de ce côté de la Méditerranée on cesse de considérer ce genre de nouvelle comme une de plus venant grossir la litanie d'un scénario trop connu: interception - sauvetage ou enterrement - hébergement - rapatriement...
Pour vous faire une idée de ce que peuvent signifier ces traversées, trois suggestions, tirées du travail d'amis:
Traversée en rêve d'un enfant en pâte à modeler:
Le voyage de Saïd (Coke Rioboo, 2007)
Témoignage d'une immigration réussie (mais pourtant...):
Sólo Ida (Manuel Soubies -Manolo-, 2005)
Traces visuelles de la forteresse Europe:
(voir Otras galerías, Frontera de Europa)
C'est une triste réalité. D'un côté, comment ne pas avoir le coeur suspendu devant l'amplitude de ce qu'ils affrontent, leur désir ou besoin d'ailleurs.
RépondreSupprimerDe l'autre côté ... qu'y a-t-il pour eux, si ils réussissent?
Oui, c bien là le grand drame. Les adultes automatiquement sont rapatriés et c retour à la case départ après avoir dépensé toutes leurs économies pour le voyage incertain, et les enfants sont pris en charge par les centres d'hébergement qui font ce qu'ils peuvent mais qui ne constituent pas non plus LA solution... Que faire, que ne pas faire, c extrêmement complexe, mais une question réelle à se poser.
RépondreSupprimerMerci de ton passage ma belle.